Tout sur ma mort

Publié le par Kyrillos

Caen, le 10 novembre 2005


Cher Monsieur Ozon,

Je voulais vous faire part de ma profonde émotion, à la simple découverte de la bande-annonce de votre dernier film.

Je ne vous ferais pas ce soir une déclaration d'amour, vous devez en recevoir de dizaines de la part de fans. Je pourrai mais je ne le ferai pas. Je voulais juste vous remercier pourtant, vous remercier de ne parler qu'à moi depuis le début de votre carrière. Merci de choisir les actrices les plus envoûtantes, les plus émouvantes. Jeanne, Charlotte, Ludivine.

Merci aussi de parler de choses graves et belles, comme dans Le temps qui reste.

Ma vie consiste à terminer celle des autres, à l'accompagner, à la laisser partir. Votre bande-annonce me plait car elle parle de ce que vivent vraiment les patients (cancéreux ou d'une autre maladie). Mon travail de psy est lié au cancer et j'ai en face de moi, tous les jours, des Melvil Poupaud, aussi beaux, aussi dignes, aussi émouvants.

C'est une vague d'émotions qui m'a submergé ce soir en regardant votre bande-annonce, celle sans doute des plages si présentes dans vos films.

Depuis vos premiers courts-métrages, je navigue avec bonheur sur cet océan de femmes, de contes, de films. Vous êtes mon capitaine, chacune de vos escales est comme une île, elle paraît lointaine comme celle du 30 novembre mais on patiente, on l'imagine et puis soudain on peut enfin crier : "Terre".

Voilà, je vais juste vous remercier une dernière fois, j'imagine vous connaître, j'imagine que vous ferez toujours des films, j'imagine que vous continuerez à les faire pour moi, rien que pour moi.

J'imagine que je vous connais et t'embrasse, François.

Merci...

PS : Je serais là le 30, tu peux compter sur moi.

Cyrille


************************************************************


Parler du film "Le temps qui reste" est un exrecice aussi perilleux que contestable, retranscrire par quelques mots ce qui fait la teneur d'un chef d'oeuvre revient necessairement à en réduire la portée, la vision. Je m'y résouds cependant aujourd'hui pour que ce dernier film de Fronçois Ozon rencontre le public qu'il mérite, pas simplement celui des salles d'arts et d'essais, pas non plus celui des super-productions américaines, quelquechose entre les deux. D'un essai, il ne s'agit pas , d'art, j'en suis convaincu. Le 7eme qui prend ici la première place tant le sujet est maîtrisé, la caméra posée là où il faut avec beaucoup de pudeur, beaucoup de simplicité aussi.

Le thème de la mort, ou plutôt ici de la fin de vie est largement à l'affiche des salles sombres, beaucoup si fourvoient en dramatisant le propos déjà dramatique. Dans son film, Ozon condense en 1h25, le parcours d'un jeune de 30 ans, atteint d'un cancer incurable et généralisé, son espérance de vie est très limitée mais Ozon choisit de nous montrer l'espérance et la vie au lieu du simple desespoir installant la mort sur toute la pellicule.

Notre héros, un jeune photographe à la mode, joué par un Melvil Poupaud remarquable apprend brutalement que sa fin est proche et il choisit de ne pas le partager avec toute sa famille, de ne pas régler ses comptes, de ne pas forcement se rapprocher de tous les siens. Il choisit néanmoins sa grand-mère, La grand-mère par excellence, celle du cinéma français, celle que l'on aimerai tous avoir : Jeanne Moreau, merveileuse, elle aussi de retenue et de justesse.

-" Tu l'as dit à quelqu'un ?"

- "Non, à personne, juste à toi ! "

- "Pourquoi moi ?"

- " Parce que t'es comme moi, tu va bientôt mourir".

Dialogue tendre, émouvant et sincère entre ses deux acteurs filmés avec justesse.

Quand Ozon a réalisé 8 femmes, il ne manquait guère que Jeanne Moreau à sa fabuleuse brochette d'actrices françaises prestigieuses, il y redait malgré tout hommage dans la robe de femme de chambre de Béart, hommage à Bunuel et surtout à Jeanne Moreau. Quelques années plus tard, quand ce dernier lui demande d'incarner ce rôle, elle dit oui, sans hésiter, à une seule condition, ne pas jouer une grand-mère, de peur d'être mise au placard comme la pauvre Danielle Darrieux. Elle accepte pourtant et nous la remercions.

Une seule scène mais peut être la plus émouvante. quand ils se quittent, ils savent qu'ils ne se reverront jamais, c'est poignant, toute la salle sans exception pleure mais ça fait un bien fou, tous les spectateurs unis par un même sentiment si fort.

Ozon fait aussi se croiser Poupaud ave Valéria Bruni-Tedeschi, qu'il avait déjà fait tourner avec Freiss, dans son dernier film (5X2). Rencontre là aussi troublante, que je ne dévoile pas, qu'elle reste mystérieuse jusqu'à qu'elle vous parvienne.

Les rapports frères-soeurs sont abordés eux aussi avec précision exactitude, le personnage d'Ozon se détache à sa façon, sans précaution parfois (pour son petit ami) mais avec le souci de l'autre, il quitte la vie et son corps est le témoin de cet ultimatum. Le travail d'acteur est aussi remarquable à ce niveau. Perdre autant d epoids sur un tournage c'est plus qu'une démarche diététique c'est la preuve que l'acteur est habité par son personnage.

*****************************************************************


Du point de vue de la réalisation, on notera pour qui connait Ozon, le recours à une réalisation peu stylisée mais très efficace, les gros plans sont utilisés avec parcimonie et gardent ainsi toute leur puissance, le jeu de miroir entre le héros et son double enfantin est très réussi, les flash-back venant entrecouper le récit. La mer est la encore un des personnages secondaire essentiel comme dans "Sous le sable" la première partie de cette trilogie sur la mort et le deuil. Elle renforce l'idée d'immensité, de pureté.

La musique est toujours de bonne qualité, c'est ici essentiel.

En conclusion, vous l'aurez compris, je suis un fan radical d'Ozon depuis très longtemps, cela ne m'empêche pas de voir dans ce film, une oeuvre majeure qui marque un degré de maîtrise important et une virtuosité de chaque instant. Jamais à ma connaissance, la maladie et la mort n'ont été filmé comme ça, son angle est très personnel mais nous touche au plus profond.

Ce film est aussi une expérience émotionnelle que chacun devrait tenter. On ne ressort pas de ce film tel qu'on y est entré, on lâche toutes nos émotions, on pleure, même beaucoup mais je crois beaucoup dans ces moments d'infini émotion.

Je ne saurai que trop vous conseiller ce film, il y a actuellement de bonnes comédies françaises pour compenser si besoin, je crois que ce cinéma là à aussi sa place dans le paysage cinématographique actuel, en tout cas, Ozon mérite une place de choix dans mon coeur depuis toujours et encore plus maintenant.

*********************************************


DONNES TECHNIQUES

Réalisation
--------------------------------------------------------------------------------

Réalisateur François Ozon


Acteur(s)
--------------------------------------------------------------------------------

Romain Melvil Poupaud
Jany Valeria Bruni-Tedeschi
Laura Jeanne Moreau
le père Daniel Duval
la mère Marie Rivière
Sasha Christian Sengewald
Sophie Louise-Anne Hippeau
le médecin Henri de Lorme
Bruno Walter Pagano
Romain enfant Ugo Soussan Trabelsi


Scénario, production
--------------------------------------------------------------------------------

Scénariste François Ozon
Production Fidélité Productions, France
StudioCanal, France


Equipe Technique
--------------------------------------------------------------------------------

Directeur de la photographie Jeanne Lapoirie
Costumière Pascaline Chavanne
Directrice du casting Antoinette Boulat
Monteur Monica Coleman
Chef décoratrice Katia Wyszkop
Producteur délégué Olivier Delbosc
Marc Missonnier
Musiques additionnelles Arvo Pärt
Marc-Antoine Charpentier  

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article