Comment gérer l'agressivité des patients et de leurs proches ?

Publié le par Kyrillos

L’AGRESSIVITE DES PATIENTS ET DE LEURS PROCHES : ANALYSE D’UNE REALITE QUOTIDIENNE DU SOIGNANT DANS LE MILIEU HOSPITALIER.

Introduction du thème

Chaque jour dans son travail, le soignant, au sens le plus large du terme, se trouve confronté à des situations plus ou moins éprouvantes, tant sur le plan physique que psychologique. Sur la base de nombreuses études, on peut désormais affirmer que ces situations font souvent l’objet d’un stress important pouvant déclencher un épuisement et une agressivité manifeste entre les différents acteurs de la situation de soins.

L’épuisement professionnel est un phénomène au centre des préoccupations et notamment par l’intermédiaire de la notion de burn out. La deuxième résultante d’une accumulation de stress fait l’objet de beaucoup moins d’études : il s’agit de l’agressivité qui peut s’instaurer aux différents niveaux de la situation de soins : famille, patient ou encore équipe soignante. Nous allons aujourd’hui nous intéresser à ce phénomène d’agressivité, en laissant volontairement une de ses dimensions principales, pour en retenir une : l’agressivité exprimée par le patient et les proches.

Notre but ne sera pas de montrer que le patient ou encore ses proches sont responsables de toutes les situations de stress en milieu hospitalier, l’agressivité est parfois aussi présente du côté des équipes et surtout au sein même des équipes mais elle revêt alors un aspect plus subtil. L’agressivité des patients et des proches est, comme nous allons le voir, plus directe et explicite.

 

 

DEFINITION DE L’AGRESSIVITE

"Tendance ou ensemble des tendances qui s'expriment dans des conduites réelles ou fantasmatiques, celles-ci visant à nuire à autrui, le détruire, le contraindre, l'humilier, etc..."

Vocabulaire de la psychanalyse, Laplanche et Pontalis, P.U.F.

Examinons les différents éléments de cette définition.

  • " Tendance " : le terme de tendance vient ici nous informer sur l’origine essentiellement interne de l’agressivité ; il peut être substitué au terme de pulsion et désigne alors une force psychique interne propre au sujet mais présente chez chaque individu : les pulsions sexuelles (pulsion de vie) et les pulsions agressives (pulsions de mort) étant les deux principales forces pulsionnelles en constante opposition.
  • " ...qui s’expriment dans des conduites réelles ou fantasmatiques " : signifie que la pulsion agressive peut donner lieu à une mise en pratique (passage à l’acte) par une agression verbale, des insultes par exemple, ou par une agression physique. Toutefois, dans la plupart des cas, la pulsion agressive reste fantasmée (imaginative), elle exprime alors un désir de faire du mal mais reste sans acte. Les enfants, plus faibles physiquement utilisent souvent ce biais, c’est aussi le cas des malades comme nous allons le voir plus loin.

  • " ...visant à nuire à autrui, le détruire, le contraindre, l’humilier " : le but de la pulsion est le plus souvent tourné vers un objet (personne ou chose) externe, la pulsion agressive vise à agresser autrui, à lui nuire (détruire étant à envisager au sens symbolique). Elle peut aussi permettre l’asservissement de la personne agressée, dans le but d’obtenir des avantages ou tout simplement une supériorité jouissive pour le sujet.

 

 

DESCRIPTION DES MECANISMES PSYCHOLOGIQUES DE L’AGRESSIVITE

Etudier l’agressivité des patients, celle des proches et les stratégies pouvant être mises en place pour la gérer nécessite une connaissance des mécanismes communs à tout processus d’agression, même si, rappelons-le, chaque patient possède un vécu et un profil psychologique personnel. Dans cette perspective, il nous faut remarquer la complexité du phénomène d’agressivité.

Il existe en effet de multiples dimensions de l’agressivité :

PHYSIQUE > < PSYCHOLOGIQUE

VERBALE > < NON VERBALE

NEGATIVE > < POSITIVE

Ce dernier point nécessite une explication car il peut amener un contre-sens. Par agressivité positive, il ne faut pas comprendre une bonne  agressivité mais une agressivité qui s’exprime par un comportement actif (insulte, ironie, jeu verbal, coups). Par opposition, l’agressivité négative s’exprime par une absence de comportement (mutisme, silence, refus de soins).

Dans tous ces cas, la patient ou le proche agressif met en jeu un comportement inadapté et inconfortable tant pour lui-même que pour l’équipe. Par ce comportement plus ou moins conscient, il nous signale une difficulté, il nous lance un appel, toujours difficile à décoder. Il nous faut donc connaître les différents mécanismes pouvant être utilisés par ces individus en souffrance.

 

 

MECANISMES D’AGRESSION DU PERSONNEL

Les mécanismes sont bien sûr nombreux et complexes mais on relève un ensemble de comportements récurrents :

 

  • la familiarité : qui, si elle n’est pas permise de la part du soignant, est souvent de mise chez le patient ou ses proches.
  • l’autoritarisme : dont la prévalence masculine s’accroît sensiblement avec l’âge du patient, provient aussi d’un glissement du rôle soignant (de soigner /prendre soin vers servir).
  • les insultes : elles apparaissent souvent lors d’une crise ou d’un soin douloureux et mettent donc bien en avant la souffrance du patient comme déterminant principal de l’agressivité et sa résonance sur l’entourage.
  • les accusations injustifiées : elles mettent en doute le soignant, le fragilise et le rend plus vulnérable donc malléable.
  • l’opposition, le refus de soin : généré par la peur justifiée de la souffrance physique, il aboutit au paradoxe de parfois l’accentuer.
  • la projection : consiste à attribuer au soignant un comportement, un sentiment, qui caractérise en fait le patient ou le proche lui-même. Par exemple : " Vous avez mauvais caractère! ".

La liste n’est bien sûr pas exhaustive.

 

 

HYPOTHESE INTERPRETATIVES

 

S’il est aisé de définir l’agressivité de manière générale puis dans le sens du patient hospitalisé, il n’en est pas de même concernant les différentes hypothèses interprétatives pouvant expliquer ce phénomène. Dans une vision utopiste et tout à fait inadaptée à la réalité, on pourrait émettre l’idée que le patient et par extension tout son entourage ont besoin d’aide, de soin et qu’ils sont donc coopérants et volontaires. Dans la réalité hospitalière, le patient est, le plus souvent, en demande d’aide mais manifeste des comportements négatifs d’agressivité ou d’opposition, ses proches réagissant parfois en opposition mais parfois en écho.

L’hypothèse la plus évidente pour expliquer cette agressivité est la peur de l’hôpital et des soins. La démarche d’hospitalisation est presque toujours le fruit d’une décision du médecin et le patient se trouve contraint de s’y soustraire, tout en comprenant sa nécessité. Il est, surtout les premiers jours, ignorant de son avenir, des examens qui seront effectués, de la durée de l’hospitalisation, etc. De manière plus pragmatique, les soins prodigués par le personnel soignant sont générateurs d’une grande angoisse : ce thème revient invaria-blement dans la plupart des entretiens psychologiques. A ce sujet et comme l’illustre la vignette, l’âge du patient n’est pas à mettre en rapport avec ses craintes. Ce premier aspect semble connu et admis par tous.

Bon nombre de chercheurs, principalement psychologues et psychanalystes, ont relié les pulsions agressives aux pulsions sadiques, les deux pulsions étant issues de la même source (la pulsion de mort).

Tout être humain est comme nous l’avons déjà signalé animé par deux types de pulsions contradictoires : les pulsions sexuelles appelées aussi pulsions de vie qui regroupent tous nos désirs, toutes nos attirances vers l’autre (désir sexuel mais aussi amitié, amour maternel, admiration, etc…).

A l’inverse, les pulsions agressives ou pulsions de mort caractérisent tout se qui va à l’encontre de la vie ( désir de nuire, de tuer, méchanceté, sadisme, agressivité.).

Prenant l’acceptation générale de la pulsion sexuelle, on peut penser que la patient privé momentanément de sa famille, de son conjoint ou de ses amis manifeste une agressivité réactionnelle à son isolement. L’inverse étant tout aussi valable. La tristesse ou l’agressivité de certains patients est parfois à relier à leur solitude. Quand une des deux sources pulsionnelles ne peut d’exprimer, (comme c’est le cas chez le patient pour la pulsion de vie), la deuxième reprend le dessus et la lutte devient inégale. En tant que désorganisation somatique mais aussi psychique, la maladie est en soit vecteur de pulsion de mort, l’agressivité est alors la dernière défense du patient pour éviter l’effondrement.

Enfin, on peut citer un troisième cas plus exceptionnel, dans lequel les pulsions sadiques (au sens large : faire mal physiquement ou moralement) permettraient d’obtenir un plaisir du substitution à la frustration sexuelle. C’est ici un comportement régressif du à un arrêt précoce dans le développement affectif (carence affective majeure).

Malgré cette population de patients, rare mais qu’il faut connaître, l’agressivité est toujours à interpréter en terme de souffrance (du patient, de la famille et de l’équipe) sans recherche de responsabilité.

 

 

SOLUTIONS A APPORTER A L’AGRESSIVITE

 

La prise en compte de la réalité individuelle de chaque patient doit toujours être notre point de départ. Pour tenter de gérer l’agressivité, il faut rapidement abandonner une approche théorique, tout d’abord nécessaire, pour se pencher sur les éléments personnels, familiaux, médicaux : en somme se recentrer sur le patient. C’est bien là la difficulté première, l’agressivité du patient et de l’entourage affecte avant tout le soignant, elle le met en doute tant dans sa personnalité que dans son fonctionnement au travail.

L’analyse de chaque situation particulière, au sein d’une équipe permet généralement de dédramatiser certains comportements ou du moins d’en parler. Cependant, on peut préconiser certaines attitudes à privilégier autour de conduites agressives :

  • Tenter de garder son calme face au patient. Il nous faut contenir nos affects et surtout ne pas répondre en miroir : une agressivité en retour amènerait un cercle vicieux. Même chose pour les proches.

  • Ne pas rompre le dialogue avec le patient. Il est possible de demander au patient pourquoi il vous a insulté, si quelque chose pose problème, mais il faut communiquer surtout pendant un soin qui pose problème.

  • Ne pas chercher à combler et satisfaire tous les caprices du patient ou d’un proche agressif car cela risquerait d’accroître ses demandes et son insatisfaction.

  • Prendre conscience de l’attitude du patient et de l’entourage qui est facilement compréhensible dans un contexte de fin de vie mais difficilement acceptable car dangereuse à tous les niveaux de la situation de soin.

Publié dans Mr.L - psychologue

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